Être en couple avec une personne qui porte la blessure de trahison : loyauté, contrôle et tempêtes émotionnelles
- Jonathan ML
- 29 avr.
- 5 min de lecture
La blessure de trahison est sans doute la plus chargée en intensité émotionnelle. Elle donne lieu à des comportements souvent contradictoires : la personne qui la porte veut être profondément aimée, mais n’accorde sa confiance qu’avec méfiance, et teste sans cesse la loyauté de l’autre. La relation peut alors devenir un champ de bataille intérieur projeté sur le couple : exigeante, passionnelle, souvent instable… mais avec un besoin d’absolu qui peut aussi être magnifique, s’il est canalisé.

1. Origine de la blessure de trahison
Cette blessure naît généralement dans l’enfance ou l’adolescence, quand une figure d’attachement :
- A trahi une promesse importante (ex. : abandon soudain, promesse non tenue)
- A agi en contradiction avec ses paroles (ex. : discours d’amour, mais comportement violent) ;
- A brisé la confiance (ex. : infidélité parentale, secret de famille, trahison d’un proche).
Elle peut aussi émerger d’un vécu d’abus, manipulation, mensonge, ou d’un parent très instable émotionnellement, difficile à suivre, voire double.
Le résultat : une personne qui veut aimer et être aimée, mais qui a du mal à faire confiance, qui craint d’être trahie, ou cherche à garder le contrôle.
2. Comportements typiques dans la relation de couple
Communication : suspicion, contrôle et tests constants
La personne blessée par la trahison scrute les incohérences, les changements de ton, les retards de réponse. Elle a besoin que tout soit clair, cohérent et constant. Sinon, elle se sent trahie.
Exemples concrets :
- « Pourquoi tu ne m’as pas dit ça tout de suite ? »
- « Tu as dit une chose hier, une autre aujourd’hui… Tu me caches quelque chose ? »
Elle peut relire les messages, vérifier les horaires, demander des comptes. Elle ne supporte pas le flou, les réponses vagues ou les zones grises.
Dans l’intimité : intensité, exigence, mais méfiance sous-jacente
Elle peut être très investie sexuellement et émotionnellement, car elle veut fusionner pour être sûre. Mais elle est aussi à l’affût du moindre signe de baisse de désir, ou de manque de sincérité.
Exemples concrets :
- Après un rapport sexuel, elle demande : « Tu m’aimes toujours autant ? C’était aussi bien que d’habitude ? »
- Si l’autre se montre moins démonstratif, elle doute : « Tu penses à quelqu’un d’autre ? »
Elle cherche constamment des preuves de fidélité, de désir et d’engagement.
Vie quotidienne : besoin de contrôle, de vérité absolue, hypersensibilité à l’imprévu
- Elle déteste les surprises non prévues, les annulations de dernière minute ou les changements de plan.
- Elle veut savoir où, quand, avec qui, pourquoi.
- Elle peut imposer des règles strictes, ou prendre toutes les décisions pour ne pas se sentir impuissante.
Exemples concrets :
- « Tu ne m’as pas dit que tu allais boire un verre avec tes collègues ? Pourquoi tu me l’as caché ? »
- « Tu n’étais pas censé rentrer à 20h. Tu mens ? »
Conflits : explosions, crises de colère ou volonté de dominer
Dans les disputes, la blessure se manifeste par :
- Colère violente si elle se sent trahie ou flouée ;
- Refus de reconnaître ses torts (car ce serait « trahir » son intégrité) ;
- Besoin d’avoir raison, de "remettre l’autre à sa place".
Exemple concret : Une simple contradiction devient une guerre : « Tu doutes de moi ? Tu es en train de me trahir comme les autres ! »
Elle préfère parfois saboter la relation plutôt que de risquer d’être la "trahie".
Et l’inverse ? La blessure de trahison peut-elle produire l’inverse de ce qu’on attend ?
Oui ! Elle peut aussi se manifester par :
- Hyper-respect de la parole donnée : peur d’être celui/celle qui trahit.
- Sur-adaptation, obéissance excessive, pour ne jamais être perçu(e) comme déloyal(e).
- Évitement des relations profondes : "Je ne m’attache pas, comme ça je ne trahis personne et on ne me trahit pas."
Ce sont des formes inversées de contrôle, plus soumises, mais tout aussi douloureuses.
3. Ce que cela révèle de vous, si vous êtes en couple avec une personne blessée par la trahison
Le/la loyal(e) sacrificiel(le)
Vous faites tout pour prouver votre intégrité, votre loyauté. Vous anticipez les crises, les soupçons, vous justifiez tout… jusqu’à vous perdre dans l’auto-surveillance.
Le/la libre et indépendant(e)
Vous vous sentez vite étouffé(e), contrôlé(e), infantilisé(e). Vous avez besoin d’autonomie, ce qui active la blessure de trahison chez l’autre… et renforce son contrôle.
Le/la sauveur(se)
Vous essayez de calmer les colères, de convaincre qu’elle/il peut faire confiance… mais vous vous épuisez émotionnellement, car rien ne semble jamais suffisant.
4. Comment apaiser la relation et avancer ensemble ?
Pour la personne blessée par la trahison :
- Travailler la blessure de confiance à la racine : souvent avec un thérapeute (TCC, schémas de Young, EMDR…).
- Apprendre à tolérer l’ambiguïté sans paniquer : tout n’est pas noir ou blanc.
- Identifier les situations où le besoin de contrôle s’active, et pratiquer des exercices de lâcher-prise (pleine conscience, ancrage, dialogue intérieur).
- Accepter que l’amour ne garantit pas l’absorption de la peur : la sécurité est co-construite, mais jamais absolue.
Pour le/la partenaire :
- Être constant(e), transparent(e), mais sans se justifier à outrance.
- Refuser les interrogatoires : « Je peux répondre à tes questions si on parle calmement, pas si tu cherches à me coincer. »
- Nommer les comportements destructeurs : « Quand tu me parles comme ça, je me sens acculé(e). Ce n’est pas juste. »
- Créer des rituels de sécurité : mots doux, rappels d’engagement, petits signes de fidélité émotionnelle.
Pour le couple :
- Éviter le jeu du chat et de la souris : clarifier les attentes de chacun.
- Travailler ensemble sur le cadre de confiance mutuelle : quelles sont les limites ? les zones d’autonomie ? les formes de transparence acceptables ?
- Mettre en place un espace de parole régulier, où les émotions sont nommées avant qu’elles n’explosent.
- Envisager un accompagnement de couple, surtout si la méfiance devient chronique.
En conclusion : entre loyauté et peur de l’abandon déguisée
Aimer une personne blessée par la trahison, c’est souvent aimer quelqu’un qui veut un lien absolu mais qui a peur d’y perdre sa dignité ou son pouvoir.La sécurité affective doit alors se construire non pas dans la transparence totale, mais dans la maturité émotionnelle, l’honnêteté tranquille, et le respect des zones d’intimité.
« La vraie loyauté n’est pas l’absence d’erreur, c’est la capacité à se réparer ensemble après les tempêtes. »
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